Conversations
retourner sur mes pas
Je ressens assez le besoin d'échanger ici des réflexions qui me traversent, car elles nécessitent un tempo lent.
J'écrirais dans cette typographie.
Je te propose d'utiliser celle-ci, c'est le Times.
Un poil différente de la mienne, mais tout juste assez pour saisir qui parle.
(Chaque fois que le besoin s'en ressent d'écrire je duplique le texte en cliquant sur le mouton noir comme ça je reprends le même caractère dans le même corps).
Qu'est-ce qu'une résidence?

Pour moi c'est assez important de revenir souvent aux questions bêtes — peut-être à tort, tu me diras ce que tu en penses — mais cela me permet de prendre du recul, de situer à nouveau dans quelle perspective on agit.

Je tente quelques bribes de réponses

— il va s'agir d'habiter un lieu (cette dimension sera assez fondamentale je crois... vu les conditions et l'incidence qu'elles vont avoir sur notre manière même de travailler, jours après jours). Cela a trait à sa géographie donc, ainsi qu'au moment où on va l'habiter (le plus rude de l'année, où l'activité touristique de Pérouges est la plus faible, mais où du coup la ville est peut-être le plus honnêtement elle-même).
C'est assez mal formulé, les mots me résistent un peu. Je continue tout de même.

—résider implique de dormir, de manger, de se doucher, de cuisiner, de lire, de travailler, voire même de s'ennuyer dans un même lieu, ensemble. Et puis nous probablement nous nous recueillerons aussi. Quant bien même la résidence soit un format un peu extraordinaire, je ne la trouve pas sans lien avec une forme de quotidienneté assez simple, assez pure aussi. J'aime l'idée que ces moments pourraient être saisis, choisis en tant que pièces à part entière de notre résidence. On pourrait décider de recevoir des gens à la MAC comme on reçoit chez soi, ou inversement déjeuner chez des habitants. Ce partage du pain (à l'origine de "copain") me semble être une manière assez élémentaire de se rencontrer. Car il va au delà d'un partage de pain justement, en étant reçu chez l'autre.

— le point précédent à donc déjà presque tout dit de ce point présent. Je conçois la résidence comme un moment à même de renforcer les liens, par les échanges tissés avec les habitants de Pérouges. Donc entre les habitants de Pérouges, entre nous deux aussi, et aussi au-delà de tout cela, entre nos pratiques et des gens qui pensent en être loin. Pas mal de choses me travaillent à ce sujet. La MAC semble un peu détonner, selon les mots de Bruno, au sein de ce centre médiéval. L'Art contemporain aussi donc. Je pense que notre présence — et à plus forte raison parce que nous sommes étudiantes, et donc en quelque sorte le futur de nos deux professions — aura un réel impact sur les Pérougiens. Ce fut certainement le cas des précédents résidents de la MAC. La photos des artistes japonais début octobre sur le pas de la maison, invitant à la cérémonie du thé me plaît pour cela aussi. Nous laisserons des traces, si minimes soient elles. Que voulons nous qu'elles soient? Même malgré nous nous provoquerons une image de nos pratiques. Pourquoi ne pas saisir ce double rôle de plasticiennes et de metteuses en scène de nos pièces pour s'adresser directement aux Pérougiens qui seront les premiers concernés par les pièces exposées. J'entends par là d'être conscientes de la portée didactique de ce que nous allons mettre en place, à la fois en faisant, et au moment de l'exposition. Je ne crois pas que nous fassions cette résidence pour intégrer des pièces dans nos portfolios ou nos diplômes. Elles en feront de toutes façons partie puisqu'elles seront fidèles à nous-même, mais redemandons-nous souvent pourquoi nous faisons les choses. Je voudrais les faire pour toutes ces occasions de rencontres, en tant qu'expériences sensibles. Enfin j'ai d'autres choses à dire mais je suis un peu fatiguée et crains d'être encore plus confuse.

— autre chose qui me semble inhérente à la résidence. La dimension technique. On y va pour travailler — et se former même si ce sera en amont — à des techniques dont nous ne sommes pas forcément familières, et qu'en plus la temporalité courte contraindra. En fait il y a dans ce point cette dimension de contrainte qui me tient personnellement à cœur. Nous allons faire (je voudrais le mettre en italique mais ne sais comment faire, justement) dans une certaine mesure avec les moyens du bord, c'est-à-dire avec pour la majeure partie des choses que nous trouverons à Pérouges. En fait je ne sais si tu l'avais envisagé exactement comme cela, mais pour ma part je crois assez que ce sera beaucoup plus simple aussi, si l'on ne va pas désirer faire des pièces qui demandent un arsenal de choses que nous n'aurons pas. Par exemple je ne rêverai pas d'imprimer en sérigraphie, en risographie ou même en numérique lorsque nous serons à Pérouges. Mais il y aura d'autres façons possibles d'imprimer, pour imprimer d'autres choses et d'autres formes.

— une résidence c'est éphémère, aussi qu'en restera-t-il? Que restera-t-il des pièces que nous allons produire? En laisserons nous? Les détruirons-nous, les démonterons-nous ou les déplacerons-nous? Quel archivage de ces pièces? Qui les garde?
Qu'est ce qu'une résidence ?

En effet je crois que nous devons nous rappeler de la puissance de l'experience partagée, et ne pas s'en éloigner.
Ce moment de résidence va nous faire vivre un temps qui nous appartient à toutes les deux, que nous vivrons ensemble et avec les différents membres de Pérouges qui nous rejoindrons.

Je pense comme toi, que cet espace qui nous est proposé est d'avantage un lieu à habiter qu'à investir. J'entends par là que notre travaille résidera dans l'experience que nous aurons créer dans ce lieu, avec les différents habitants que nous rencontrerons et avec qui nous partagerons certains moments, plutôt que dans la proposition toute faite d'objets qui seraient selon moi dénuée de sens.
Pour autant cela implique la question de la documentation de ces expériences que nous ne devons pas laisser de côté. La façon dont nous rendrons compte de ces experiences au public doit se penser pendant mais un peu avant le moment vécu.

Si l'on prend l'exemple de l'idée du repas, que j'approuve sincèrement, je pense que certains objets usuels pourraient êtres fabriqués en amont et témoigner de pratiques ou de techniques ( par exemple acquises ou fabriquées au moment de la formation avec Bruno).
La documentation de ce moment pourra se penser plus tard. Nous pourrons décider de prendre des notes, des photos, garder des objets de ce temps et décider ensuite de la meilleure manière de rendre ce moment visible durant le moment de l'exposition.

Pour continuer sur cette question de l'habitation du lieu je crois que celle ci commence d'ores et déjà aujourd'hui.
Je crois que l'on peut considérer nos projections fictives comme une première manière d'habiter le lieu.
Si l'on prend en exemple l'appréhension du lieu en ce temps hivernal à Pérouges, celle ci est directement rattaché au lieu, aux notions d'habitat, de confort, d'intimité, que nous pouvons définir comme une première perception du lieu.
J'imaginais certaines interventions dans l'espace pour rendre ce lieu plus confortable, plus accueillant. Ces gestes pourraient être considérés comme des interventions qui résideraient également durant le temps de l'exposition.

Je t'en parlerai tout à l'heure mais la feutrine, matériaux isolant, ou encore l'emplacement de la cheminée, sont des pistes qui me semblent à poursuivre.

une chose importante que je voulais ajouter, je considère l'ensemble des différents experiences que nous allons vivre et ses différents temps comme un travail, c'est à dire que je n'imagine pas aujourd'hui pouvoir réutiliser les pièces que nous produirons et les transposer dans un autre espace ensuite. je vois cela comme un tout. Peut être que nous serons amenées à produire un objet finale qui relatera de cette expérience et de ses différents moments ?
Peut être qu'après les avoir réaliser je porterai un autre regard sur certains objets qui finirons par être présentable dans un autre espace mais je ne crois pas qu'il faille les penser pour cela...
Pour autant certains objets témoignants de découvertes techniques comme les céramiques, ou encore la présentation de textes fabriqués lors du temps de formation, pourraient très bien être considérés comme des pièces à part entière... mais je crois que nous pourrons véritablement le savoir une fois cette experience vécue !

Pour ce qui est de la question technique d'impression abordée, je n'ai pas en tête les autres manières d'imprimer, en tout cas la question de la trace, rattachée à l'espace est une experience qui m'intéresse dans ma pratique et que je serai ravie de poursuivre.

Je ne sais pas à quels autres techniques tu pensais, mais je crois que pour des questions de temps nous ne pouvons pas forcement laisser de côté les avantages techniques que peuvent nous apporter la sérigraphie? je pense à cela pour les nombreux textes que nous pensions envoyer tous les jours, si nous devons par exemple envoyer un menu concernant un repas partagé, et autres textes, quelle autres techniques seraient envisageables ?

Pour ce qui est du moment de formation avec Bruno, je crois en effet que nous ne devons pas oublié que ce sera un temps de rencontre pour nous avec cette technique. La projection de formes trop complexes, que je pouvais avoir en tête encore il y quelques semaines, ne nous permettrait peut être pas de vivre pleinement cette rencontre technique. J'ai pour ma part peut être en tête des pièces plus humbles que celle que j'avais en tête au départ.


Je crois que les traces que nous laisserons aux pérougiens résiderons dans la manière dont nous investirons l'espace et dont nous intégrerons ses membres actifs à notre projet.

La portée didactique que tu évoques est effectivement importante. Je crois que celle ci est vraiment intrinsèque à nos interventions dans cet espace temps qui nous est donné. Cette didactique se construira selon moi au fur et à mesure des experiences que nous serons amenées à vivre durant le temps de la résidence. Nos tentatives de partage et de communication rendront compte d'une première perception du lieu aux pérougiens, qui sera sans doute bousculée et modifiant ainsi le contenu que nous donnerons à voir lors du moment de l'exposition.
la perception du lieu est à la fois une perception spatiale — une perception de nos corps dans cet espace architectural particulier— mais aussi une perception d'un lieu de vie auquel nous prendons part.